Jour 6 - Jour blanc

Le 07/04/2019

J'ouvre les yeux vers 7H30 ce matin là.

Après une quinzaine de minutes passées à m'équiper, je file vers la tente mess pour le petit déjeuner. Vu le ciel en sortant, l'ambiance de la journée est vite donnée :

Pour ceux qui ont suivi, météo moche = ???

Crêpes au petit dej ! 😀

La météo annoncée n'est pas géniale du tout pour le moment. On nous donne un ciel bouché jusqu'au début d'après midi, avec une visibilité très réduite. Il neige, mais il y a peu de vent. On est donc loin de la tempête de l'autre jour. Une fois que tout le monde est là, Robin nous expose les trois options qu'il nous propose pour la journée. Descendre jusqu'au fjord, mais c'est loin, 8km, donc 16 aller retour. Ça se fait, mais tout le monde n'a pas les mêmes jambes dans le groupe et le convoi n'avance donc pas forcément très vite. Aller dans la prochaine vallée car il y aurait une cascade de glace quelque part et on pourrait partir à sa recherche. Ou monter sur le plateau au dessus du camp pour avoir une belle vue sur le fjord.

La solution du fjord est tentante, mais il faut être réalistes : on risque de ne jamais l'atteindre. Puis de ce que j'avais vu à travers mon téléobjectif, ça n'a pas l'air de trop correspondre non plus à ce qu'on aurait pu espérer. Ça avait l'air de ressembler à une plage de galets avec des cabanes alignées au bord, que les locaux utilisent comme résidence secondaire pour le weekend.

Après un vote, la solution du plateau est retenue.

De plus, il ne va pas falloir rentrer trop tard car le lendemain, nous devrons nous lever tôt pour plier le camp et rejoindre le point de rendez-vous avec la chenillette à 9H. Quoi ? 9H ? 😳 Ah oui donc en fait sur le programme quand il était écrit "retour sur Longyearbyen", je pensais que c'était en fin d'après midi, après une bonne journée passée sur le terrain. Mais là ça veut dire qu'au final, on aura un jour de moins par rapport à ce que j'avais imaginé. Sachant que celle d'aujourd'hui se présente de plus en plus mal car la visibilité devient de pire en pire, le bilan comptable des journées d'action sur le terrain ne pèse vraiment pas lourd. On n'a quand même pas eu de bol 😔

Suite à un rapide tour dehors, notre départ du jour est retardé car il n'y a pas d'amélioration niveau météo.

Un jeu se lance dans la tente mess, mais je préfère aller dehors pour profiter de l'endroit. Deux rennes se sont rapprochés dans la vallée. Aller, je vais sortir le téléobjectif, ça me fera l'occasion de jouer un peu avec même si vu la visibilité il ne faut pas s'attendre à grand chose. J'aurais bien aimé pouvoir me rapprocher un peu, mais Robin ne veut pas que je m'éloigne vu qu'on ne voit pas bien loin. Normal.

Commence une nouvelle fois une longue partie de lutte entre moi, la buée et les flocons qui viennent tomber sur ma lentille.

Bon ... c'est pas génial, mais ça fera des preuves 😀

Erica en profite pour nous parler des rennes. Elle nous apprend par exemple que leurs poils ont la même particularité que ceux des ours pour lutter contre le froid. Ils sont creux, ce qui permet de conserver de l'air chaud. Contrairement à ce qu'on pourrait penser de prime abord, les mâles ne sont pas ceux avec les bois et les femelles les autres. En fait, chez les rennes, mâles et femelles en ont. Les mâles les perdent pendant l'hiver, mais pas les femelles. Sur cette photo, il s'agit donc d'une madame.

Au Svalbard, pour trouver sa nourriture sur le sol, le renne doit creuser avec ses sabots. C'est pour ça qu'on les voit donc parfois avec le museau dans la neige et en train de gratter.

Un renne du Svalbard cherche sa nourritueLa renne dénneige
La renne dénneige

 

PO PO PO ! Voilà ! Tout ce voyage, tout ça, tout était fait, tout était calculé juste pour pouvoir placer ce jeu de mot correctement un jour. C'est fait ! Je suis maintenant en paix avec moi même. Vous pouvez partir, ce blog n'a plus d'intérêt maintenant 😀

 

 

Bon ... ok ... restez, je vais quand même réussir à trouver encore quelques trucs à vous raconter 😀

J'ai fait quelques petites vidéo de ces bestioles.

Je suis déçu, j'en avais fait une autre qui le montrait en train de creuser justement, mais ma mise au point a changé et il n'est pas net du tout. Tant pis !

Après un bon quart d'heure à rester allongé dans la neige pour observer les rennes, le froid a commencé à rentrer tout doucement dans mes vêtements. Je me suis donc mis en quête d'activité. Ça tombe bien, il y en a qui étaient en train de consolider les toilettes. Je les ai donc rejoints pour les aider à faire des briques de neige. Une fois nos commodités améliorées, on a commencé à se dire en rigolant que vu comme il était possible de façonner la neige, on pourrait faire une niche pour les chiens. Puis comme on avait rien à faire, la blague s'est concrétisée 😀

On s'est donc mis à faire des briques de neige à la chaine pour faire un abri pour Tiger dans un premier temps (c'était lui le plus proche de nous à ce moment là).

Tiger devant son abris

Et heuuu en fait on a arrêté quand on a constaté qu'il s'en servait comme toilettes plutôt que comme un abri 😅

On s'émerveille en regardant les flocons qui nous tombent dessus. Leurs formes sont parfaites, c'est vraiment chouette. Note pour le prochain voyage : se péter encore plus le dos en embarquant l'objectif macro 😀

Fin de matinée, le temps n'a toujours pas changé, c'est même de pire en pire. La visibilité se réduit de plus en plus. On commence tous à être impatients de partir à l'action, donc au bout d'un moment, Robin prend la décision d'y aller. On part maintenant, on reste proches les uns des autres pour ne pas se perdre dans le voile blanc, puis avec un peu de chance, quand on arrivera en haut en début / milieu d'après midi, ça se dégagera comme c'était prévu.

On change de stratégie par rapport à la fois d'avant pour espérer être plus rapides. On se met à deux par pulka pour les tirer. C'est un peu chiant, ça donne des à coups si on n'est pas parfaitement synchronisés, mais dans la montée, c'est beaucoup plus facile. Le groupe est à deux vitesses, donc la tête doit souvent s'arrêter pour que la queue rejoigne et ne sorte pas de la zone de visibilité. On n'avance pas très vite.

Dans notre dos, le camp disparait peu à peu, comme avalé par le voile blanc qui nous entoure.

Le camp au loin

Un peu avant d'arriver au sommet, on a fait une pause casse croutte. Pour se protéger du vent, on a sorti les pelles des pulkas, puis on a creusé un trou dans la neige. On a ensuite couché nos attelages sur le côté afin de faire comme un mur de protection.

Abris temporaire contre le ventAbris de fortune

On mange, puis on repart assez rapidement. On ne traine pas trop.

Autour de nous, tout est blanc. On ne distingue plus le sol du ciel. C'est assez perturbant, mais ça ne me déplait pas. On a l'impression d'être dans une autre monde, ou plutôt dans un cocon. On n'a plus de repères, rien que du blanc lumineux. Plusieurs fois j'ai failli perdre l'équilibre en marchant. J'avais déjà connu ces conditions un jour quand j'étais vers Tromsø, et déjà ça m'avait plu.
Le groupe est relativement silencieux. On profite tous de cette atmosphère si particulière. Une sorte de méditation constante. Rien autour de toi, juste du blanc et de la lumière.

Jour blancTout est blanc

Arrivés sur le plateau, le temps était le même. Une ou deux zones plus claires dans le ciel nous laissent penser que ça va finir par s'ouvrir. On continue notre lente progression.

Trois petites tâches au loin sur notre gauche.

On continue. Les trois petites tâches grossissent de plus en plus. Elles viennent vers nous.

Trois beaux rennes traversent à quelques dizaines de mètres devant nous.

Trois rennes du Svalbard traversent devant les randonneursRencontre avec les rennes

Rencontre inter espèces. Ils nous regardent comme nous les regardons, avec beaucoup de curiosité. "Qu'est ce que c'est que ces bestioles à deux pattes, avec ces machins qui glissent derrière elles ?".

Ils continuent, puis s'arrêtent pour nous regarder, puis recommencent. L'instant est magique. Cette rencontre était magique. Voir des rennes, ça reste assez banal au final au Svalbard. On en a vu pas mal. Mais là je ne sais pas, c'était particulier, il y avait quelque chose. Que ce soit dans l'ambiance du jour blanc ou bien dans leurs regards pleins de curiosité. C'était vraiment chouette !

Rennes du Svalbard

Je regrette à ce moment là de ne pas avoir eu mon télé de monté sur l'appareil photo. J'aurais eu une belle occasion de faire quelque chose.

Ils reprennent leur route, nous aussi.

On tombe sur une curiosité. Au milieu de cette nappe blanche inifie se dresse un gros monolithe parfaitement rectrangulaire. Les aliens ne doivent pas être loin 🙂

Un rocher rectangulaire étrangeLe monolithe

On continue. Le ciel ne se dégage pas. On n'avance pas très vite. Ça commence à devenir de plus en plus compromis pour le point de vue. On se donne un quart d'heure de plus. Au bout d'à peine dix minutes, on s'arrête. Plus personne n'y croit, en plus on doit se lever tôt le lendemain ... ok ... on fait demi tour.

A peine lancés, on croise à nouveau la route de quatre autres rennes. "Put*in si j'avais mis mon télé". Il est là, dans une des pulka, mais on est en route et une fois de plus, je n'ose pas faire mon chieur à arrêter tout le monde pour prendre le temps de sortir mon télé, changer d'objectif sur l'appareil, avec tous les risques que ça comporte avec autant de neige qui vole autour. Je sais qu'on est un peu pressés pour ne pas rentrer trop tard en plus.

On continuer d'avancer un tout petit peu. Ça bouillonne dans ma tête, mon regard reste fixé sur les rennes. Puis tout d'un coup, Erica qui a pris la tête du convoi pour le retour s'arrête, se tourne vers moi et me dit "Aller vas-y ! Prends le temps de faire ce que tu as à faire. On a déjà fait pas mal de pauses aujourd'hui, toi aussi tu as le droit de faire quelque chose qui te plait". Elle aussi aime la photo, donc je pense qu'elle a parfaitement compris ce qui se passait dans ma tête à ce moment là. Vu qu'on est sur du plat, Livia me détache de notre pulka pour la tirer toute seule. Je me précipite là où était rangé mon matériel. Je fais ce que je peux pour éviter de faire rentrer de la neige dans le boitier.

Le groupe repart, je me décalle pour me rapprocher des rennes tout en les suivant en parallèle.

Je fais des réglages très rapides, les trucs hyper classiques, je n'ai pas le temps de pinailler.

Je déclenche.

Un rapide coup d'oeil à l'écran pour vérifier que je ne suis pas complètement à la masse niveau réglages :

Rennes du Svalbard

Yes ! Je suis dans les clous. Bon c'est sûr qu'on est loin de celle que j'ai pu faire à Tromsø et qui m'a permis de gagner un petit concours sur le net, mais ça fera déjà de beaux souvenirs.

Pour rappel ou pour ceux qui ne l'auraient pas vue, c'était celle là :

Je m'y suis pris un peu tard pour ce groupe de rennes là. Ils commencent déjà à bien s'éloigner. Ils ne vont vraiment pas dans la bonne direction pour que je puisse les suivre en plus. Heureusement, juste après eux, je tombe sur un nouveau groupe de trois. Vu l'emplacement, il s'agit certainement des tout premiers qu'on a croisés.

Rennes du Svalbard Rennes du Svalbard Rennes du Svalbard Rennes du Svalbard Rennes du Svalbard Rennes du Svalbard Rennes du Svalbard

Bon, je ne suis pas convaincu par mon post traitement sur ces photos, mais ça fait au moins un premier jet à montrer. Je prendrai un peu plus de temps pour les fignoler plus tard 🙂

On arrive dans la descente, je range le télé, il n'y en aura plus besoin. Je rejoins Livia pour l'aider avec notre pulka. C'est plus facile quand il y a quelqu'un qui la retient derrière pour éviter qu'elle glisse et aille taper dans les mollets.

Ça y est ! C'est maintenant que le ciel se décide enfin à se dégager ! Avec quelques couleurs en prime.

Sur la dernière photo, les petits points qu'on voit en bas à droite, à peu près au croisement des vallées, c'est l'autre groupe qui est aussi de sortie dans le coin.

Tout le monde a sorti son appareil photo.

Pause photos

On s'arrête presque à chaque virage dans la descente. Ça nous fait tous du bien de voir ce beau ciel.

Panorama de la vue sur le fjordPanorama de la vue sur le fjord Ciel coloréDe belles couleurs apparaissent

Le camp se rapproche en contrebas :

Vue du dessus du campLotte Erica et Tiger

Tout en haut de la photo, au loin, on voit le camp de l'autre groupe. Ça parait proche comme ça, mais les distances sont assez trompeuses en Arctique vu qu'il y a très peu de repères visuels.

Voilà ! On est de retour au camp, tout le monde peut souffler.

Vue du camp enneigéDe retour au camp

Les deux rennes de ce matin sont toujours là, au même endroit. Vu que la visibilité s'est améliorée, Robin m'autorise cette fois-ci à m'éloigner pour pouvoir aller les approcher "mais pas trois plombes et tu prends le pistolet d'alerte". Puis finalement, après réflexion, je n'y suis pas allé. Il faisait déjà trop sombre pour utiliser mon télé, ça n'aurait pas été top. Puis j'étais un peu fatigué aussi 🙂

On mange, briefing pour la nuit et le lendemain : tour de garde de 1H30 à 3H30. En plein milieu de la nuit, le pire pour la fin, mais bon, ça va le faire 🙂 Réveil prévu à 5H30 pour être au point de rendez-vous avec la chenillette à 9H.

Je suis tombé comme une pierre, que ce soit avant ou après la garde. Il me parait loin ce temps où je n'arrivais pas à dormir en bivouac. J'espère que je garderai ça après mon retour 🙂

Vos commentaires :

Par Elodie le 8 avril 2019 à 17:38
Et ben ça valait le coup que tu le sortes ton télé !

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faut pas croire ce que disent les journaux