Jour 12 - Retour à Kiilopää

Douzième jour de ce voyage, dixième et dernier sur le terrain. Les émotions se mélangent. Joie de retrouver un peu de confort, puis de pouvoir partager tout ce que j'ai vu et vécu d'un côté. Tristesse de voir l'aventure se terminer de l'autre. Mais ce n'est pas encore tout à fait fini, il me faut encore rejoindre Kiilopää depuis Rautulampi. En attendant, peut-être que la nature m'aura préparé un joli bouquet final.
Le 21/04/2022

Un sacré réveil !

Il y a trop de monde pour moi dans cette cabane. Ça ronfle, ça manque d'air frais... Au premier œil ouvert, j'en profite pour m'échapper. Je saute dans mon pantalon, j'enfile ma veste grand froid et mes bottes, puis je vais voir ce qu'il se passe à l'extérieur. Je vous passe bien évidemment les détails sur la petite vidange matinale nécessaire après le réveil.

Au retour du cabanon contenant les toilettes sèches, je réalise que le brouillard est beaucoup moins dense que la veille. Est-ce que les éléments se seraient décidés à s'aligner pour m'offrir un beau lever de soleil pour ce dernier jour d'escapade ?

Je contourne la cabane pour voir la vue à l'est : bingo !

Cette lumière rosée à l'horizon, c'est super bon signe ! Le soleil est déjà là. J'ai très peu de temps. Le ciel est encore chargé au dessus. Ça peut basculer d'un côté comme de l'autre : soit me donner un lever de soleil épique, soit faire un gros flop.

Je me précipite dans la cabane pour attraper mon sac à dos avec mon appareil photo et le drone à l'intérieur. Désolé pour ceux qui dormaient encore si j'ai fait trop de bruit, mais là il y a un cas de force majeure ! Je chausse les skis pour être plus rapide et je me dépêche d'aller me trouver une vue dégagée. Monter tout en haut ? Non ! Pas le temps ! Je trace tout droit à côté de la cabane.

Oh punaise ! C'est sublime ! Quel spectacle ! Le soleil reste en dessous du plafond nuageux. Sa lumière orange et rose transperce les restes de brouillard qui la diffusent au dessus de la taïga au loin. Ça valait le coup de tomber du lit ! Quelle claque ! Les aurores et puis maintenant ça ! Moi qui avait peur de passer dix jours sous une chape de nuages gris...

Selon comme je règle mon appareil photo, j'obtiens des couleurs tantôt rosées, tantôt orangées. J'essaye différentes choses, différents réglages, différents cadrages. Je fais voler le drone. Il lui reste encore un peu de batterie, alors autant la finir sur quelque chose qui vaut vraiment le coup et faire de belles vidéos de cet instant. Le photographe amateur que je suis prend sacrément son pied !

J'ai pu faire une jolie séquence vidéo. Je vous montrerai ça plus tard, quand j'aurais eu le temps de monter un petit film.

Les pales du drone ont un peu morflé avec le brouillard gelé.

J'ai fait à peu près tout ce que je voulais faire à l'endroit où je suis. Je reprends les skis pour continuer mon ascension vers le sommet et je m'arrête lorsque ça vaut le coup.

Ce genre de paysages, je crois que je ne m'en lasserai jamais. Tous les gens à qui je parle de mes excursions nordiques me disent qu'ils ont peur du froid. Croyez moi, dans ce genre de moments là, le froid, on l'oublie vite. C'est d'ailleurs là qu'on se rend compte que ça se joue beaucoup dans la tête.

Dans mon dos, la cabane émerge enfin du brouillard et de son sommeil, éclairée par les rayons du soleil qui percent au milieu de la vallée.

En m'approchant du sommet, le ciel devient de plus en plus bleu. Le brouillard se lève et vit ses derniers instants. J'aurais bien aimé qu'il parte plus tôt, mais je n'aurais peut-être pas eu ce magnifique bouquet final sans lui. Alors au bout du compte, ce n'était peut-être pas plus mal qu'il soit là.

Aller, le gros du spectacle est fini, je redescends à la cabane.

Le groupe de trois que j'appelle affectueusement "les beaufs", sont en train de partir. Anniina et sa mère finissent de se préparer. Elles me demandent mes coordonnées car elles sont intéressées par mes photos. Ça fait toujours plaisir de me dire que je ne fais pas ça pour rien et que même les locaux sont intéressés par ce que je fais chez eux. Joffrey et Agnès, les deux français, sont encore à l'intérieur. Ils réorganisent leurs affaires comme leur départ tardif ne leur a pas permis de le faire la veille.

Je prends mon petit déjeuner, avec un peu de retard. Aller ! Il est temps d'y aller. On se partage les tâches qu'il reste à faire pour remettre la cabane dans l'état dans lequel on l'a trouvée en arrivant. Aller vider le seau d'eau sale, recharger en bois, faire un peu de ménage...

On s'échange aussi nos coordonnées pour se montrer nos photos et se raconter comment ça s'est passé, puis je m'attaque au chargement de ma pulka.

Voilà ! Salut Rautulampi ! C'était vraiment chouette !

Joffrey me rend un petit service en prenant quelques photos de moi arnaché à ma pulka, puis je me mets en route.

Information importante et qui me rempli de bonheur : je ne suis plus qu'à quelques heures de prendre une douche.

Quelques dizaines de mètres plus loin, je tombe sur Kristina, en train de s'attacher à sa pulka qui me promet que non, elle n'est pas en train d'abandonner ses clientes. Ouais ouais ... c'est ce que tu dis ouais ! Je la remercie une fois de plus pour les quelques informations qu'elle m'a données, puis on se dit au revoir.

Vers Luulampi

Avant de rentrer à Kiilopää, je tiens à passer par Luulampi. C'est un des derniers points que j'avais noté sur ma carte et il y'a un chemin qui me permet de passer par là bas pour rentrer.

Le ciel est maintenant complètement dégagé. Il n'y a plus la moindre trace de nuage ou de brouillard. Par contre c'est assez venteux. Mais pas grave. Je n'aurai pas de tente à déplier ce soir. Pas de problème avec la trace, c'est l'autoroute. La piste est damée pour les skieurs de fond, il y'a aussi des passages de motoneige pour tasser tout ça.

Quelques kilomètres plus loin, je fais voler une dernière fois le drone vu qu'il lui reste encore un chouia de batterie.

 

Je ne lui ai pas vraiment fait honneur pour le remercier de ses services rendus, car j'ai trouvé moyen de le crasher un bon coup pour son dernier vol. Pas de casse heureusement.

Terminé les croix rouges ! Maintenant je suis les bleues !

J'arrive à une intersection qui m'affiche un panneau vers Kiilopää et un autre vers Luulampi. Normalement, d'après ma carte, en continuant sur Luulampi, après, je pourrai prendre un autre chemin qui me ramènera à Kiilopää.

Me voilà sur le gros des pistes de skis de fond. La trace est maintenant très propre, très fraiche, parfaitement damée. Je croise de plus en plus de skieurs en tenues moulantes flashy. Changement de population. Les zones sauvages, c'est fini.

Quelques kilomètre plus loin, à la mi-journée, j'arrive à Luulampi. Il s'agit d'une grande cabane, qui propose des services de restauration. Les skieurs de fond viennent là pour faire leur pose le midi. Je n'ai pas envie de manger là. Je n'ai pas envie de manger dehors. Il ne me reste plus grand chose à faire avant de terminer mon périple. Je mangerai quand je serai dans ma chambre d'hôtel. Tant pis s'il est tard.

Je prends quelques minutes pour me reposer, m'assoir au chaud au soleil.

Juste avant de repartir, un gars m'interpelle. Un des hollandais que j'avais croisé plusieurs jours auparavant ! Je les croyais partis, mais visiblement, certains d'entre eux ont décidé de prolonger. Fini la pulka pour lui, il est en skis de fond.

Je reprends la route. Je me rends vite compte que le chemin pour Kiilopää ne passe pas par là où je l'avais lu sur la carte, mais par l'intersection où je suis passé auparavant. Les cartes montrent des chemins qui ne sont pas forcément accessibles en hiver. C'est un peu piégeux. Me voilà obligé de revenir sur mes pas.

Vers Kiilopää

En arrivant à la fameuse intersection, je tombe sur le groupe de Kristina. Elles ont envie d'aller boire un coup à Luulampi, mais elles ne sont pas bien douées avec leurs pulkas. Elles les accrochent donc toutes ensemble pour ne pas qu'on le leur vole, puis elles partent sans. Kristina m'explique que le chemin que j'ai vu sur ma carte doit être difficilement praticable à cause de la neige profonde.

Rapidement, je tombe sur une montée bien raide et bien longue. Probablement même la plus longue de tout le séjour. Moi qui m'attendais à un retour facile... Je l'avais vu ce col sur la carte, mais je n'avais pas regardé suffisamment en détails pour me rendre compte qu'il allait me faire aussi mal.

Arrivé au sommet, le vent donne tout ce qu'il peut. Malgré ça, je prends tout de même quelques photos souvenir. D'un côté, la Russie, au loin, de l'autre, la station de Kiilopää, dans le bas.

Il ne me reste plus que de la descente à faire. J'arrive rapidement à la porte d'entrée de Kiilopää.

Voilà ! C'est fini ! Moment toujours étrange, où les émotions se mélangent. De la joie, de la tristesse, de la fierté ... entre autres.

Je passe à la réception pour récupérer ma clé.

Hôtel sweet hôtel

Me voilà arrivé dans ma chambre d'hôtel. Pfiou ! Enfin un peu de confort ! Ça fait du bien ! Tous ces petits trucs auxquels nous ne faisons plus attention au quotidien me paraissent luxueux à cet instant là. Un fauteuil, du chauffage, de l'eau courante à boire à température ambiante, un lit avec un matelas confortable, des toilettes...

J'envoie quelques messages par-ci par-là pour dire que ça s'est bien passé et que je suis bien rentré, puis je m'attaque à mon repas.

Je prends un petit selfie de fin de séjour.

J'ai quand même un peu morflé avec le froid !

J'étale autant que je peux mon bazar dans la chambre, histoire que tout sèche au maximum avant que je ne remballe tout dans deux jours.

Puis arrive le moment où je peux enfin prendre cette fameuse douche. Rester sous l'eau chaude, me laver, mettre du déo ... quel bonheur ! Enfin je ne pue plus !

Je peux maintenant lever le pied et me relâcher. Je retourne à la réception pour réserver la dernière place disponible au sauna à 18h. On me demandait avant mon départ pourquoi je prenais mon maillot de bain avec moi. Voilà l'explication !

Je me suis donc pointé là bas à 18h pétante car ils prévenaient que ça ne servait à rien de se présenter en avance. Je pensais que c'était un minimum cadré, mais en fait non. Personne n'a contrôlé mon ticket, personne ne m'a accueilli pour m'expliquer comment ça fonctionne. J'ai dû demander aux gens sur place, qui étaient en train de se tremper dans de l'eau glacée. Je suis censé faire ça moi aussi ?

On m'explique que je dois aller me changer dans le vestiaire, puis ensuite prendre une petite planche en bois que je glisserai sous mes fesses, pour l'hygiène. Et me voilà qui rentre enfin dans l'antre. Je crois que je me trouve uniquement avec des locaux, donc des gens qui sont habitués à ça. Le sauna est plein à craquer. Ils se serrent un peu pour me faire une place. Je vais m'assoir en haut avec eux. La chaleur me semble déjà insoutenable, mais ils continuent de rajouter de l'eau sur les pierres chaudes, ce qui a pour effet de faire monter encore plus la température. Mon nez me brûle quand j'inspire, j'ai vraiment du mal à tenir. Je leur demande si ce sera plus facile si je redescends les quelques marches pour aller me poser sur le petit banc à côté de la porte. Ils me répondent que oui, alors je m'exécute rapidement. Il n'y a rien à faire, je ne me sens vraiment pas bien. Je sors.

Dehors, il doit faire entre -5 et 0 je dirais, à la louche. J'ai la tête qui tourne, j'ai des fourmillements dans les mains, dans les pieds. Je pense que je suis à deux doigts de tourner de l'œil. Les locaux qui étaient dehors me donnent quelques conseils. Respirer doucement, pour que mon organisme comprenne que c'est normal, que tout va bien. Boire, car j'ai perdu beaucoup d'eau. Je prends le temps qu'il faut pour me remettre. Oui mais voilà, je suis dehors, il fait froid ! Je tente le coup dans les vestiaires qui sont à une température normale. Ça commence à aller mieux.

Au bout d'un moment, je décide d'y retourner. Mais en commençant en bas cette fois-ci. Pas en haut où toute la vapeur va se mettre. Ça passe mieux. Je finis par m'habituer un peu et prend la décision de remonter en haut des quelques marches. Je ressors à nouveau au bout d'un moment, pour éviter de me mettre dans le rouge. Ils me suggèrent d'aller essayer de me tremper dans l'eau glacée. Ces gens sont fous ! J'ai tenté. J'ai dû à peine tremper un orteil avant de faire demi tour et de retourner me mettre au chaud dans le sauna.

Mon corps semble s'être habitué, je ne tourne plus de l'œil comme lors de mon premier passage. Je reste quelques minutes, peut-être une dizaine, avant de ressortir. Les locaux m'expliquent que je ne dois pas aller dans l'eau glacée tout de suite, mais laisser le temps à mon corps de s'habituer au froid, en restant simplement dehors. Je retourne au niveau des bassins d'eau glacée pour faire une nouvelle tentative. Ils m'encouragent, j'y vais, j'arrive au niveau des cuisses ... celui derrière moi me projète de l'eau dans le dos pour me pousser à y aller ... sans trop de surprise j'ai envie de dire, mais non. Pas moyen. Je retourne dans le sauna.

À nouveau, après une dizaine de minutes dans le chaud, je décide de faire une nouvelle tentative. Je sors, je pars directement au vestiaire pour récupérer mon smartphone. Je le donne à un des finlandais en lui disant "Si j'y vais, je veux une photo !". Je prends le temps de m'habituer un peu au froid le temps qu'ils me donnent quelques conseils. "Il faut finir par du froid, mais pas trop longtemps. Si tu restes trop longtemps, tu vas être frigorifié de l'intérieur et avoir froid jusqu'à demain matin. Quand tu termines, tu vas dans l'eau, tu te trempes, tu ressors, puis tu vas tout de suite te prendre une douche à une température normale. Là tu vas être bien, tu seras complètement détendu, tu vas super bien dormir.". Mec ! Je viens de passer 10 jours dans la nature à tirer 60kg derrière moi. Crois moi, dans tous les cas, je vais bien dormir ! "Il faut que tu te trempes jusqu'au dessus des épaules pour que ce soit validé !".

Me revoilà sur le pas de tir. Il n'y a que quelques marches pour descendre dans le bassin. Ils sont tous derrière moi à m'encourager. Aller mec ! Tu ne peux pas partir d'ici sans avoir essayé ça ! Tu ne peux pas te dégonfler maintenant après tout ce que tu as fait jusque là ! Vas-y ! J'ai coupé toutes les petites voix dans ma tête qui me disaient de ne pas faire ça et ... j'y suis allé ! 😂

Ces gens sont fous ! 🤣

Ne faites pas ça !

Les épaules sont passées, c'est validé, je reste quelques secondes, puis je ressors. "Wow ! Tu n'es même pas ressorti tout de suite ! Bravo !" qu'ils me disent. Pfffffff ! Sacrée épreuve ! Je leur dis qu'ils sont fous mais les remercie quand même de m'avoir aidé à vivre cette folie. Puis je fonce prendre ma douche avant de me rhabiller.

Je file me détendre dans ma chambre. Il est presque l'heure de manger en plus. Il me reste des lyophilisés à terminer. Le moins j'en ramène, le moins j'aurai du mal à boucler mes bagages pour l'avion.

Et la politesse b*rdel ?

Après le repas, je me suis occupé de retourner à la réception de l'hôtel, pour me faire rembourser du carburant qu'ils m'ont vendu par erreur.

Je suis frigorifié. Dès que je bouge, je me mets à frissonner. L'effet sauna. En parcourant dehors la centaine de mètres qui me sépare de la réception de l'hôtel, je vois un semblant d'aurore à l'horizon. Tant pis ! Je suis trop gelé et tout mou pour m'occuper de ça ce soir.

Je rends mes bouteilles de carburant et explique calmement à la dame le problème. Elle me répond "celle-là et celle-là je peux vous les rembourser, mais celle-là elle est ouverte, je ne peux pas". Je lui réponds "vous pourriez faire un geste quand même, vous m'avez vendu ça par erreur, ça a failli mettre à mal mon séjour". Elle s'est contentée de me tendre l'argent pour les deux bouteilles non ouvertes et de me répondre, dans le texte (traduit en français quand même) "Oui voilà, merci, au revoir !". Nan mais t'es sérieuse ? Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'ils me remboursent tout, mais ne même pas me présenter la moindre excuse et surtout m'ignorer de la sorte, je trouve ça vraiment très impoli ! Mais bon, ramolli comme je suis et vu la personne à qui j'ai à faire, je préfère en rester là et je retourne dans ma chambre. Bande de cons !

Vu le monde qu'ils brassent et le monopole qu'ils ont, la satisfaction de la clientèle, ils s'en moquent pas mal et ça se ressent sur la qualité de l'accueil et du service.

Bref, ça ne va pas gâcher mon ultime plaisir de la journée : dormir dans un vrai lit, au chaud, en étant propre !

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faut pas croire ce que disent les journaux