Jour 9 - Jusqu'à Geaimmejávri

Au 7ème jour de mon expédition, je sens la pression qui redescend, au fur et à mesure que je me rapproche de l'arrivée. Mais la fatigue et l'usure du froid commencent à laisser des traces.
Le 05/05/2023

Allo la Terre ?

Ce matin, je me réveille vers 6h. Tout va bien, la nuit s'est bien passée. Histoire de me réchauffer un peu avant de prendre mon petit déjeuner, je vais faire un tour dehors. En plus, j'entends des lagopèdes pas si loin que ça. Entre la petite brume qui stagne par endroit et le soleil rasant qui se reflète sur les dunes de neige qui m'entourent, l'ambiance est incroyable. J'ai l'impression d'être sur une autre planète.

Je reste un bon moment dehors à faire des photos.

Au loin je vois un lagopède en vol, près du peu de végétation qu'il y a dans la zone. Je m'en approche pour essayer de le voir de plus près, mais rien. Il y a des traces de partout, mais pas moyen de les voir.

En attendant, je ne suis pas complètement bredouille, car l'ambiance lumineuse est dingue. En plus, ça me fait du bien au moral et au corps ce soleil.

Il y a même un halo lumineux dans le ciel.

Bon, il ne faut pas que je traîne trop quand même. Mes pieds ont du mal à se réchauffer. Il faut que je me mette en route et fasse un effort pour produire de la chaleur. Je prends mon petit dej, replie le camp et je repars.

Au moment de quitter les lieux, j'entends des voix près de moi. Un énorme groupe de skieurs avec leurs pulkas apparait en haut du relief derrière lequel je m'étais installé.

Vers Ravnastua

Mon nouveau point de repère est le refuge de Ravnastua. Le troisième et dernier sur mon itinéraire. Il devrait se situer à peu près à mi chemin de ce que je souhaite parcourir aujourd'hui.

Je suis un peu long à démarrer et me fais passer par le groupe. Je ne tarde pas à les doubler dès la première montée. Les locaux sont très bons sur le plat, mais pas tellement dans les pentes. Contrairement à eux, j'ai des peaux de phoque sous mes skis, ce qui me permet de tirer tout droit. Eux, sont obligés de faire de longs S pour monter, ou de marcher avec les pieds en canard.

J'essaye d'avancer vite pour garder mon avance sur eux. Je préfère être au calme, loin du brouhaha qu'ils font. Et puis mes pieds ont encore du mal à revenir à la vie, même si ça va mieux, alors il faut que je fasse chauffer la mécanique.

Les paysages sont encore désertiques et ça me plait bien. C'est certes monotone, mais tellement apaisant.

Je commence à trouver quelques arbres, au fur et à mesure que je descends en altitude, aux environs de midi.

Je croise trois traineaux. Je me dépêche d'allumer ma Gopro pour faire une vidéo. Le premier s'arrête et discute un peu avec moi. Ils font la traversée. Il me félicite pour mon trek, me souhaite bonne chance, puis repart car ses chiens s'impatientent. Le dernier me hurle un truc au passage, que je ne comprends pas. Il répète : "Est-ce que tu as de longues peaux sous tes skis ?". Je lui fais signe que oui, ce à quoi il me répond par un pouce levé, genre "c'est top !". Marrant que ce soit aussi insolite pour eux.

Je pense que leurs skis sont optimisés pour le plat et la portance sur la poudreuse, mais sont moins passe partout que les notres, qu'on nous vend par chez nous. Je m'étais déjà fait la même réflexion en Finlande l'année dernière.

La Gopro n'a rien enregistré ... Elle arrive en fin de batterie et se coupe automatiquement au bout de 30 secondes. Super.

Il est l'heure de prendre le repas. Je me fais rattraper par le gros groupe, mais ils s'arrêtent un tout petit peu avant moi.

Changement de décor

Les paysages deviennent plus escarpés, la végétation, de plus en plus riche. Ça commence à se voir que j'approche du bout du plateau et que je suis moins haut.

J'arrive au refuge vers 14h. Comme pour les autres, ce n'est pas très vivant. Juste un gars qui passe avec une sorte de motoneige / camionnette. Je le salue, il ne me répond pas. Ok. Soit.

Le drapeau sami flotte au milieu des bâtiments. Il faut dire que je suis au cœur de leur territoire.

Un panneau m'indique que je ne suis plus qu'à 30km de mon objectif final : Karasjok.

Ça commence à sentir un peu la fin non ?

Mes sentiments sont mitigés. Je suis content de voir que j'approche du but. Mais d'un autre côté, je sais que plus je vais me rapprocher de la civilisation, moins ça va être fun. Le pire est derrière moi, mais probablement que le meilleur aussi.

À la sortie du refuge, un lagopède traverse la piste en volant. Trop loin et trop rapide pour pouvoir entrer dans la boîte à images.

C'est étrange, aujourd'hui je vois très peu de motoneiges par rapport aux jours précédents. Y aurait-il eu un autre chemin qui m'aurait échappé ? Bon ça ne me manque pas cela dit.

La piste semble se scinder en deux. Je garde la trace qui me parait la plus marquée. Au milieu de tous ces petits arbustes, je ne suis pas bien emballé pour poser ma tente. Il n'y a pas de grands espaces ouverts comme les jours précédents, où certains spots me paraissaient évidents pour m'installer.

 

Je finis par trouver une petite clairière, pas très loin de la piste, juste avant le lac Geaimmejávri. C'est plat, un peu ouvert, mais protégé par quelques arbres. En même temps, protégé de quoi ? Je n'ai pas eu le moindre souffle de vent depuis le début, à part le premier jour. Pour une région très venteuse, je m'en sors bien ! Manu qui surveille la météo pour moi me dit que les prévisions sont chiantes à mourir, car rien ne bouge depuis plusieurs jours. Je suis dans une sorte de bulle protectrice. Ça m'arrange bien cela dit ! Enfin, attention quand même, car lui et Camille s'accordent à me dire que ça a l'air de se dégrader vers le milieu ou la fin de semaine.

J'installe ma tente.

Rhaaa zut ! La neige est différente ici ! C'est la même que celle que j'avais en Finlande l'an dernier. Elle rend l'installation du camp super compliquée. En gros, il y a une croûte en surface, mais en dessous, elle est très légère, très profonde. Tant qu'on ne passe pas à travers la croûte, ça va, mais si ça lâche, on se retrouve avec de la neige jusqu'en haut des cuisses. Et évidemment, certains pas passent à travers, d'autres non. J'enfile mes raquettes gonflables pour me simplifier un peu la vie.

Je trouve ça étonnant de ne voir passer personne sur la piste à côté de moi. Ni le gros groupe de skieurs, ni tous ces convois de motoneiges que je voyais passer les jours précédents. Me serais-je trompé de piste ? Comme je suis en avance et que mon camp est posé, je chausse les skis pour aller voir un peu plus loin. Je ne suis pas sur la trace que j'avais enregistrée dans le GPS, mais ça ne me surprend pas, c'est un peu comme ça depuis le début.

Hum ... la piste semble prendre une direction étrange par rapport à là où je dois aller. J'envoie un message à Manu par satellite pour qu'il regarde ce qu'il en pense. Il a un doute aussi. Bon ... je suis léger, je ne traine pas la pulka, je vais essayer de rejoindre la trace de mon GPS, pour voir si je tombe sur une autre piste. Je coupe tout droit à travers les collines. Une fois bien éloigné de ma tente, je me rends compte que je suis parti sans ma frontale, alors que le soleil est en train de se coucher. Pas bien malin ... Il va falloir faire vite. Je sais que ça reste lumineux longtemps, mais tout de même. On n'est jamais à l'abri d'un imprévu.

J'arrive à l'endroit de mon chemin théorique sur le GPS. Il n'y a qu'une seule toute petite trace de motoneige. Je dois donc être sur la bonne piste là où il y a ma tente. Bon, je verrai ça demain du coup. Je rentre à toute vitesse à mon camp avant que la nuit ne tombe trop.

Bien qu'il fasse suffisamment "chaud" pour tourner au gaz hiver, je décide de quand même utiliser mon réchaud avec de l'essence. Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de nuits à passer dans la nature, alors j'aimerais finir ma bouteille avant d'arriver. Je l'installe dehors pour être pénard.

En attendant les aurores, je m'amuse à faire quelques photos de l'intérieur de ma tente avec la caméra 360, pour vous montrer à quoi ressemble mon chez-moi ambulant.

Elles finissent par arriver, discrètement.

Mais entre le froid et la fatigue, je n'ai plus la patience d'attendre que ça s'emballe. Et puis les prévisions ne donnaient pas grand chose pour ce soir. Alors je vais me coucher.

Je fais mes calculs rapidement avant de me glisser dans mon sac de couchage. Je confirme que j'ai un jour d'avance. Il me reste encore deux jours de marche avant d'arriver à Karasjok. Peut-être que demain je resterai là pour profiter encore un peu avant de rentrer. Si je n'ai pas à démonter puis remonter mon camp, ce sera une journée reposante. À voir !

Vos commentaires :

Par Jean Pierre Saint Valery le 6 mai 2023 à 16:17
J'ai du mal à imaginer ce que tu vis. Tes images ne montrent que la vision positive de ton parcours. Tu ne parles que de quelques tracas domestiques. La réalité sur le terrain doit être plus difficile à dire et à montrer (le froid, le doute, etc ...)
Par Vinciane le 5 mai 2023 à 21:16
Je lis chaque article et je me régale ! Bravo et merci Sylvain pour ces partages qui permettent de s'évader vers une nature majestueuse et exigeante.

Publier un commentaire :

faut pas croire ce que disent les journaux