Jour 11 - Karasjok

Après neuf jours passés sur le plateau du Finnmarksvidda, l'aventure touche à sa fin puisqu'il ne me reste plus que quinze kilomètres à parcourir.
Le 19/05/2023

Le début de la fin

La nuit a été compliquée. Comme quelques jours auparavant, j'ai dû rater quelque chose dans mon petit protocole au moment de me coucher. Je me suis peut-être couché en étant trop froid. Je me suis réveillé complètement frigorifié en pleine nuit. J'ai réussi à me réchauffer un peu et à terminer ma nuit en enfilant ma polaire que je gardais en boule contre moi dans le sac de couchage.

Le matin est là ! La météo m'annonçait une nuit à -15°, mon thermomètre extérieur me dit que c'est descendu à -28.

Je ne traîne pas. J'ai froid, j'en ai marre et je veux en finir ! J'ingurgite mon petit dej en quatrième vitesse, je replie tout un peu à la va-vite car je n'aurai pas besoin de remonter un camp ce soir, puis je repars. Mes pieds sont gelés et j'ai du mal à les réchauffer, alors il faut que je m'active. J'ai même du mal à me réchauffer tout court.

Quinze kilomètres

Le mauvais temps annoncé commence à arriver. Dehors, c'est tout gris, avec un peu de vent et quelques chutes de neige. C'est beaucoup moins agréable que les jours précédents.

Je n'ai plus que quinze kilomètres à faire, sur du plat, presque en ligne droite, pour rejoindre Karasjok. Ça devrait aller vite. Pas besoin de trop gérer ma fatigue, je pourrai me reposer au chaud ce soir, pareil pour le repas du midi, alors je fonce ! Enfin ... pas si sûr en fait pour dormir au chaud. La confirmation tarde à venir pour la réservation de ma nuit supplémentaire dans mon hébergement. Puis lorsqu'elle arrive, elle n'est absolument pas claire. Je reçois deux messages contradictoires. Je ne suis pas sûr d'avoir une place.

Je m'imagine déjà devoir à nouveau dormir dehors ce soir. Non ! J'en ai marre ! Psychologiquement, je m'imaginais déjà me faire une grasse matinée au chaud, alors non ! Je ne veux vraiment plus dormir dehors. Ça m'agace. J'enrage même à cette idée. Avec la fatigue, je craque et me met à pester, à crier des "fait chier" au milieu de ma rivière gelée. Je prends tout de même le temps d'écrire au camping de Karasjok pour leur demander une clarification.

La confirmation réelle viendra environ une heure plus tard : j'ai bien une petite cabane qui m'est réservée pour cette nuit ! Je retrouve immédiatement le sourire et fonce vers ma destination, avec une petite larme au coin de l'œil, à l'idée de me dire que ça y est, je vais le faire, et que bientôt je serai au chaud.

Je croise quelques motoneiges qui passent sur la rivière.

Je réveille tous les chiens du voisinage en passant à côté des maisons le long de mon chemin. Il y en a même un qui vient me voir en jappant. En lui parlant calmement, je "désamorce" la situation et il fini par retourner dans sa maison, après avoir tenté de marquer son territoire sur Gertrude...

Un peu plus loin, je vois un animal au milieu de la rivière. Trop éloigné pour mes yeux. Mais j'ai la flemme de sortir mon appareil photo avec le télé. À l'allure et à la taille, je dirais bien que c'est un renard. Ça restera un mystère.

Cela fait tout de même un moment que je suis parti, mais mes pieds ont toujours du mal à revenir à la vie. Je commence à être épuisé. Ça va vraiment être temps que j'arrive. Je donne tout ce qu'il me reste pour avancer vite, car j'ai trop envie de terminer et de me reposer au chaud.

J'avance vite, voire très vite, mais c'est long et linéraire, ça me parait interminable. Je fais ce qu'il ne faut absolument pas faire dans ce genre de situation : je regarde ma montre et vérifie mon avancée sur mon GPS toutes les deux minutes.

 

Karasjok

J'approche du but ! Les premières habitations de Karasjok sont là !

J'entends du bruit dans le petit bois en pente très abrupte qui borde la rivière. Deux biches se promènent. C'est quand même bête ! Je passe neuf jours sur un plateau hyper sauvage, je ne vois presque pas de faune. J'arrive près de la ville, je vois un renard et deux biches... Bon, ça n'empêche que j'ai toujours autant la flemme de sortir mon appareil photo. Elles sont loin, dans le bois, ça ne rendrait rien. Et je veux avancer et terminer.

La délivrance arrive un tout petit peu avant 14h. Je vois la ville, le pont, probablement les petites cabanes du camping. La piste se scinde en deux. Je prends celle qui semble prendre la direction de mon logement. Bingo !

Min Ája

Me voici arrivé à Min Ája, le camping de Karasjok, signe de la fin de mon trek.

En cherchant où se trouve la réception, je passe au milieu de plein de jolies petites cabanes, en me demandant laquelle allait être la mienne. Probablement cette petite rouge vu que j'ai pris l'offre la moins chère. Ah ! La réception est là ! Ou plutôt devrais-je la "resepsjon".

À peine la porte passée, je me fais frapper par la chaleur. C'est la première fois que je suis au chaud depuis neuf jours. Wow ! Quel bonheur ! C'est difficile de se rendre compte quand on ne l'a pas vécu, mais la sensation est vraiment extraordinaire, comme une libération. Je ne suis pas loin de lâcher une petite larme, mais je me retiens. Je n'assume pas trop, la réceptionniste m'attend 😊

J'avais plein de questions en tête à lui poser, mais entre la fatigue et l'émotion, mon cerveau est en bouillie et je ne me souviens plus de rien. Tant pis, je reviendrai plus tard. Elle m'explique où se trouve ma cabane, les sanitaires, la cuisine et tout ce qu'il y a à connaitre, puis me donne la clé.

Ma cabane s'appelle "Urbi", du nom de la feuille de je ne sais plus trop quel arbre, d'après ce que j'ai compris.

Allons voir Urbi alors !

Bonne surprise ! Ce n'est pas la petite cabane rouge, mais sa copine verte juste en face, qui parait plus grande et plus accueillante.

Je prends une bonne claque en entrant. C'est tout simple, mais ça me parait super cosy. Il fait hyper chaud. Wow ! Je vais être si bien ici ! Après une aventure comme je viens de vivre, c'est tout simplement ça la définition du luxe. J'ai une énorme boule dans le gorge et la larme au coin de l'œil. Vous aurez probablement remarqué à la fin de la vidéo précédente que je n'en mène pas large 😅

Voilà ! C'est vraiment terminé cette fois-ci ! J'ai gagné ! Je suis au chaud, j'ai rejoint la civilisation. Je ne vais plus lutter contre le froid pour manger, dormir, me changer... Je vais pouvoir commencer à donner des nouvelles à tout le monde, sans que ce soit via des messages courts par satellite. Je suis éreinté. Ça va être génial de pouvoir se reposer ici.

Je prends peur en me regardant dans le miroir. Ouch ! J'ai morflé ! Les éléments ne m'ont pas raté. La chaleur me fait reprendre des couleurs, ce qui a tendance à révéler tout ce qui ne va pas. J'ai clairement perdu quelques kilos. Mes joues sont brûlées par le soleil et par le froid. Elles ont même des cloques. Mes lèvres sont craquelées. Mes traits sont tirés. J'ai des sensations étranges dans les orteils. Pareil dans certains doigts. Tu parles de vacances ! Ce n'est pas fait pour se reposer normalement ? 😁

Ok je suis peut-être lessivé physiquement, mais mentalement, j'ai fait le plein. Je suis super fier de moi. Je viens de réussir un super challenge et de battre plusieurs de mes records. Record de nuits en tente d'affilée, toutes saisons confondues, puis record de température sous une tente, entre autres. J'ai réussi à ne pas craquer et à ne pas finir dans les refuges. C'était ça mon objectif. Aller au bout en totale autonomie. Et il est atteint ! Mes objectifs secondaires étaient de faire suffisamment de photos d'aurores boréales pour pouvoir proposer une série sur ce sujet à des festivals photo l'année prochaine. Et un autre était de ramener des photos d'aurores en 360°. Tout est atteint ! C'est génial ! Je suis trop content ! 😊

J'aurais aimé ramener encore plus de photos, plus variées, de faune notamment. Mais ce n'est pas grave. Ce sera pour une prochaine fois. L'essentiel est là !

Je rêve d'aller prendre une douche chaude ! Mais je vais d'abord manger car je sais qu'une fois que je serai douché et tout ramolli, je n'aurai plus rien le courage de faire. En plus, maintenant que je suis arrivé, mon corps commence à se relâcher et je me sens vraiment faible. À cause du froid, j'ai dû m'épuiser bien plus que prévu.

La flemme d'aller à la cuisine, qui est assez loin de ma cabane. Je tape dans mes lyophilisés et mes thermos. Je traîne. Le temps d'envoyer plein de messages, de commencer à montrer des photos.

Je file à la douche en milieu d'après-midi. Ça manque un peu de pression, j'aime bien quand ça décape, mais tant pis. Ça fait un bien fou ! Bon, pour m'économiser du poids, je n'ai pas pris de vêtements propres. Je dois donc faire avec ce que j'ai porté pendant le trek. Ce n'est pas idéal, mais je n'ai pas trop le choix.

L'idée d'aller me promener dans Karasjok m'a traversé l'esprit à un moment donné. Mais c'est resté à l'état de projet. J'irai demain. Je passe le reste de la journée vautré dans mon canapé, à rattraper ce que j'ai raté depuis mon départ et aussi à discuter avec mes proches.

Le soir venu, je prends mon repas à la cuisine. Seul. Il n'y a pas l'air d'y avoir grand monde dans le camping. Je suis ensuite allé me coucher, en ayant bien pris soin avant de désactiver tout ce qui pouvait ressembler à un réveil !

Le sommeil n'a pas été trop difficile à trouver !

Vos commentaires :

Par Jean Pierre Saint Valery le 22 mai 2023 à 10:01
Et bien, BRAVO ! Quelle aventure, c'est bien d'être allé au bout de tes souhaits. Je comprend ta fatigue, on le serait pour boen moins que cela. Vivement la prochaine fois.

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faut pas croire ce que disent les journaux