Jour 10 - Kentán
Réveil en douceur
Ce matin, il ne fait pas trop froid, il n'y a pas de brume, le soleil tape en plein sur ma tente et réchauffe l'atmosphère. Je suis bien au fond de mon sac de couchage, alors j'y reste un peu.
Je finis par me lever pour aller voir à quoi ça ressemble dehors. C'est chouette ! Avec le soleil et les cristaux de givre qui se sont formés pendant la nuit, ça scintille de partout.
Je décide de partir en promenade avant de prendre mon petit dej. Le temps de finir de me réveiller et de me réchauffer. Je pars sans les skis, je vais rester sur la piste qui est suffisamment tassée pour marcher dessus en chaussures.
Mon genou, sur lequel j'ai dû faire un mauvais mouvement au début du trek, me fait de plus en plus mal. Ça va être temps que je puisse me reposer. D'ailleurs, en parlant de repos, comme j'ai une journée d'avance, que le cadre est joli et que la journée s'annonce belle, je prends la décision de rester en place aujourd'hui.
Ce qui m'ennuie le plus, c'est le montage et démontage du camp, qui me prennent un temps fou le matin et le soir. Alors au moins, si je reste ici aujourd'hui, je n'aurai pas à m'embêter avec ça. Je vais pouvoir profiter de la journée pour aller me promener, à la recherche de belles photos à prendre.
Ah ! Je n'étais pas allé suffisamment loin sur la piste hier, elle semble repartir dans la bonne direction. Je me suis donc inquiété pour rien. C'est bien par là qu'il faut que j'aille.
Je retourne à la tente pour prendre mon petit déjeuner.
Je profite du fait qu'il fasse beau et que j'aie le temps pour installer le panneau solaire, histoire d'essayer de récupérer un peu d'énergie pour mes batteries.
Pendant que j'ai le nez dans mon bol de céréales, je vois le gros groupe passer sur la piste. On se salue. Ça me conforte dans le fait que je suis sur le bon chemin.
Je fais ma vaisselle ...
Je chausse mes skis, prends mon appareil photo, le téléobjectif monté, puis je pars me promener, à la recherche de ce qui voudra bien se montrer. Sur le chemin, je tombe sur trois jeunes norvégiennes avec leurs skis et leurs pulkas. Elles se sont fait la traversée en express, en dormant dans les refuges.
Je pars m'enfoncer dans les bois, en suivant les traces d'animaux. Je vois un lagopède s'envoler au loin. J'écris un message à Manu pour l'informer de mon plan de rester ici. Il me répond quasiment instantanément d'être très vigilant, car la météo est en train de tourner. Ah mince ! Ma bulle protectrice est en train de lâcher. Zut ! D'après lui, ça n'a pas l'air trop méchant, mais je sens qu'il est quand même méfiant. Il faut dire qu'ici, les choses peuvent dérapper très rapidement.
Je réfléchis. Est-ce qu'il vaut mieux que je reste ici à me faire ma petite journée repos comme prévu et prendre le risque de voir ce qui va se passer le lendemain ? Ou est-ce qu'il vaut mieux que je m'avance au maximum aujourd'hui ?
Je rentre à la tente pour prendre ma décision.
Changement de plan
Le trek approche de sa fin, je n'ai pas vraiment envie de me mettre dans le dur maintenant, alors que la fatigue est de plus en plus présente. Je n'ai pas spécialement envie de lutter les deux derniers jours, avec de la neige fraîche qui gêne ma progession, qui réduit ma visibilité et qui recouvre la trace. Ça risquerait de grandement me compliquer la vie. Alors il vaut peut-être mieux avancer.
Il est environ 11h30. Il est tard, mais pas tant que ça. Si je mange maintenant, avec tout le matériel déjà prêt sous la tente, ça me fera gagner du temps pour le début d'après-midi.
C'est décidé, je change de plan. Je mange, je replie le camp et je repars pour m'avancer le plus possible avant que les mauvaises conditions n'arrivent.
J'arrive à être efficace, voire très efficace et je suis à nouveau sur les skis avec Gertrude derrière aux alentours de 12h30. Pas besoin de faire une pause repas puisque c'est déjà pris, donc je devrais pouvoir bien avancer.
Direction Kentán
J'ignore quelle distance je vais être capable de faire aujourd'hui, avec ce départ tardif, ma douleur au genou et la fatigue, mais je vise à me rapprocher le plus possible de Kentán, tout en bas du plateau, le long de la route. Je sais que si je descends tout en bas, je vais devoir poser la tente proche d'un parking ou quelque chose comme ça. Ça ne m'enchante pas des masses. Mais à l'inverse, si je ne descends pas, cela veut dire que j'aurai plus de distance à faire le lendemain. À voir selon comment ça se présente.
Le terrain n'est vraiment pas agréable. Ça monte, ça descend, puis ça remonte. Dans une longue montée, une motoneige s'arrête à mon niveau. Le pilote me propose de m'accrocher derrière pour qu'il me tracte. Je refuse poliment. C'est gentil mec, mais ce serait de la triche. Ce trek, je veux le faire en entier, sans assistance, uniquement par moi même. Je me fixe rarement ce genre d'objectif lors de mes expéditions, favorisant d'avantage le côté plaisir, mais pour celui-ci, c'est différent. Je suis bien parti pour y arriver, alors je ne vais pas tout foutre en l'air pour cinq minutes de montée. Je ne cède pas à la tentation.
Je ne fais plus trop attention aux paysages. Je suis concentré sur mon objectif d'avancer. J'aperçois enfin la vallée de Karasjok dans le fond.
Je croise plusieurs traineaux tirés par des chiens. J'en veux moi aussi ! 🤩
Vu mon avancée et la carte qui me dit qu'il ne me reste plus que de la descente, Kentán me semble atteignable pour aujourd'hui. Mais est-ce que je le souhaite vraiment ? Est-ce que j'ai vraiment envie de dormir près de la route dans la vallée ?
Le terrain devient de plus en plus désagréable. Plus je descends, plus je suis dans les arbres et plus le sol est déformé. C'est un enchaînement de dos d'ânes qui rendent la pulka ingérable dans la descente. Je repère un ou deux emplacements qui seraient corrects pour poser le camp. Mais ... non, j'en ai marre, je veux en finir, je n'ai pas envie de me taper ce terrain désagréable au possible demain avec une visibilité réduire. Alors c'est tranché, je vais jusqu'en bas. Tant pis pour la dernière nuit, je serai dans un endroit moins sympa que d'habitude.
Je continue à me taper mes dos d'ânes à la c*n pendant plusieurs dizaines de minutes. Les petits bouleaux sont remplacés d'un coup par de grands pins. Le terrain devient plat et lisse. Ça y est ! Ouf ! Je suis en bas !
Voilà ! Le plus dur est fait. Je sais que ce qu'il restera à faire le lendemain ne sera presque plus qu'une formalité.
Je rattrape finalement le gros groupe, alors que j'avais plusieurs heures de retard sur eux. J'ai bien avancé !
Kentán
La trace que j'avais trouvée initialement pour planifier ce trek se terminait ici. J'avais même envisagé de finir ici à la base, puis prendre le bus pour rentrer à Karasjok. Mais au niveau de la logistique, ça me compliquait la vie. Alors j'avais revu mon plan. Et puis faire Alta Karasjok de porte à porte, c'est quand même bien mieux !
Il ne me reste plus que 15km à faire. Vraissemblablement sur du plat. C'est l'affaire d'une journée ou d'une demi-journée si je suis motivé.
Mine de rien, cet instant a déjà le goût de la victoire. J'ai traversé le plateau et rejoint la civilisation !
Mon smartphone capte à nouveau, j'en profite pour donner des nouvelles un peu plus développées que celles que je pouvais donner par satellite. Je me rends compte qu'il y a bien plus de monde que d'habitude qui me suit. Ça me fait vraiment chaud au cœur. Je suis super fier de moi d'être arrivé jusque là. Mais bon, ce n'est pas tout à fait terminé. Il faut encore que je plante le camp une dernière fois. Près de la route et des habitations, ça ne m'enchante vraiment pas. Mais je n'ai pas trop le choix. Tant pis, ça me motivera pour me coucher tôt et repartir rapidement demain matin pour boucler définitivement.
Un sami en motoneige s'approche de moi pour me parler. Il pense que je suis le guide du gros groupe qui est derrière moi et me demande si c'est nous qu'il doit venir récupérer demain matin pour emmener à Karasjok. Je lui explique que non. Il me propose de tout de même m'emmener à Karasjok maintenant car il a de la place pour moi tout seul. Comme plus tôt dans la journée, je refuse en lui disant que je veux faire toute cette travesée par moi même. Je ne vais quand même pas craquer et tricher maintenant, ce serait trop dommage !
Il m'explique qu'il ne me reste plus que 15km à faire en ligne droite sur du plat, en suivant la rivière.
Je me remets en marche pour trouver un endroit correct pour poser mon camp. Ça ne me plait vraiment pas. Je sais que dans la culture norvégienne, ce n'est pas un problème, qu'on peut camper n'importe où. Mais je ne me sens pas à l'aise de planter ma tente à côté d'une route et pas loin des maisons. Je trouve ce qui doit ressembler à une presqu'île quand la rivière n'est pas gelée. Je décide de m'installer là.
La neige est merdique en plus. Encore cette croûte qui lâche aléatoirement sous mes pas. J'arrive tout de même à planter la tente. J'en profite de capter pour réserver une nuit supplémentaire sur booking.com pour le lendemain au camping de Karasjok vu que j'arrive une journée plus tôt. La réservation n'est pas confirmée tout de suite. J'espère que ce sera bon.
Je me rends compte que j'étais tellement occupé à avancer aujourd'hui, que je n'ai presque pas fait de photo, si ce n'est avec ma caméra 360.
Je lance ma routine du soir pour me faire mon eau et mon repas. J'ai très froid ce soir, j'ai du mal à me réchauffer, puis je n'ai pas spécialement trop envie de trainer dehors, alors je me couche rapidement.
Vos commentaires :
Publier un commentaire :