Conseils pour l'observation et la photo des aurores boréales

Le 28/04/2017

Après une dizaine de jours passés à Tromso et quatre chasses aux aurores boréales réussies, je peux déjà donner quelques conseils pour ceux qui souhaiteraient observer ou prendre en photo ce phénomène.

La période d'observation

Tout d'abord, au niveau de la période d'observation, il faut savoir qu'il y en a potentiellement toute l'année, mais elles ne sont visibles que la nuit. Donc comme dans le grand nord les nuits diminuent au point de complètement disparaitre pendant le printemps et l'été, il faut éviter ces périodes. Par exemple, la semaine où j'y suis allé était probablement une des dernières pour pouvoir en observer (j'y étais du 26 mars au 4 avril). Pour vous donner une idée, lors de ma dernière chasse, à 22h je voyais encore la lueur du soleil à l'horizon et à 3h30 je l'ai vue réapparaitre de l'autre côté.
Mais pour une raison que je ne saurais expliquer (certainement une question de position de la Terre par rapport au Soleil), les périodes "limites" sont aussi celles pendant lesquelles on retrouve généralement les plus fortes intensités. Donc y aller proche des équinoxes (~21 mars / 22 septembre) reste un bon choix.

Où aller pour les voir ?

Concernant la localisation, plus vous irez au nord, plus vous augmenterez vos chances d'en voir. C'est simple : plus elles sont intenses, plus elles sont grandes et visibles depuis le sud. Donc si vous êtes haut au nord, vous verrez même les plus faibles.
Les voir au loin à l'horizon c'est une chose, mais les avoir juste au-dessus de soi et les voir recouvrir le ciel, c'en est une autre !

Beaucoup de guides touristiques disent de vous trouver un point de vue dégagé vers le nord, mais la plupart de celles que j'ai vu étaient plutôt au sud et à l'ouest. De toute façon, ça bouge. Mais tout dépend de là où vous vous trouvez. Si elles sont suffisamment intenses pour être au-dessus de vous, il n'y a pas de règle, vous les verrez partout. Si vous êtes trop au sud par rapport à leur intensité, alors là effectivement il faut regarder au nord.

L'ennemi pour l'observation d'aurores boréales, c'est la météo et plus particulièrement les nuages. Quand le ciel est complètement recouvert, vous ne pouvez pas les voir. D'ailleurs la plupart des locaux vous disent que ça ne sert à rien d'insister quand le ciel est trop chargé. Pour le coup je ne suis pas tout à fait d'accord avec eux, j'y reviendrai un peu plus loin dans cet article.

Les prévisions d'aurores

Pour m'aider, je consultais quelques sites Internet, des sortes de météo des aurores boréales. Le plus local que j'avais à Tromso était celui-ci :

http://norway-lights.com/#tromso

Pour chaque soir (avec une précision à l'heure le jour même), il donnait un indicateur par rapport à l'intensité des aurores et à la météo. Mais en gros, vu qu'à Tromso même quand l'intensité est très faible elles restent visibles, c'est surtout la couverture nuageuse qui est déterminante. L'indicateur est très simple, il y a "try" ou "go !".

J'utilisais un autre site pour avoir une valeur assez précise de l'intensité quelques jours à l'avance :

http://www.aurora-service.eu/aurora-forecast/

C'est celui qui donnait les valeurs les plus fines et les plus actualisées.

Et pour terminer, j'en utilisais un autre que je connaissais depuis longtemps. Un service tenu par une université en Alaska :

http://www.gi.alaska.edu/AuroraForecast/Europe/

Je l'aime bien car il donne une bonne visualisation de ce que les différentes intensités vont donner sur le globe terrestre. En revanche, à l'heure où j'écris ces lignes, il est complètement en désaccord avec le site que j'ai donné juste avant. Je ne sais donc pas lequel dit vrai.
J'ai lu plusieurs fois que les intensités des aurores étaient prévisibles 3 ou 4 jours à l'avance, pas plus. Je ne sais pas si c'est un coup du hasard ou quoi, mais quand j'ai regardé les prévisions sur ce site un mois à l'avance pour mon voyage, il avait vu complètement juste !
Je me souviens du KP6 du 28 mars et du KP5 pour les jours suivants.

Bon dans tous les cas, ne vous prenez pas trop la tête avec ça : si vous êtes à une latitude suffisamment élevée, intense ou pas, vous êtes dans la bonne zone ! Regardez plutôt la vraie météo.

Comment procéder ?

Commencez par vous renseigner auprès des locaux pour connaitre les bons spots d'observation. Ils vous donneront les endroits les plus à l'abris de la pollution lumineuse et si possible avec une vue dégagée. Plus vous verrez de ciel au dessus de vous et à l'horizon, plus vous augmenterez vos chances d'en voir, ça va de soi.

Essayez d'éviter les spots accessibles en voiture où il y a trop de monde. Les lumières des véhicules qui s'allument dès qu'on ouvre la portière ou dès qu'on met le contact pour se réchauffer, c'est un peu pénible, surtout quand on fait de la photo.

Maintenant, le conseil numéro 1 que je peux vous donner, et j'insiste vraiment là dessus, c'est que quelles que soient les conditions météo, ce que vous disent les locaux ou les sites de prévisions, si vous êtes motivés et que vous voulez absolument en voir : allez-y ! Essayez ! Tentez votre chance, c'est comme ça que ça paye ! Même quand tout semble perdu au début, il y a moyen d'en voir.
J'ai vu ma toute première en pleine ville, par la fenêtre de ma chambre, en regardant au sud avec un ciel nuageux. Il suffit que le ciel s'ouvre un petit coup et qu'il y en ait une derrière pour qu'on puisse la voir.
ça ne coûte rien de lever les yeux vers le ciel, donc faites le et soyez patients.

Sur mes quatre chasses, trois étaient avec une grosse couche nuageuse, des tempêtes de neige toutes les 15 minutes, et ça ne m'a pas empêché d'en voir et de faire des photos.

Aurore boréale Tromso
(10s f2.8 ISO800 24mm)

Pour ma part, je procédais de la manière suivante. J'allais à cet endroit sur l'île de Kvaloya à côté de Tromso : mon spot à aurores. Il s'agit d'une petite route de campagne où il n'y a pas grand monde en pleine nuit (quelques voitures qui passent de temps en temps mais c'est tout). Je me garais sur le côté (il y a quelques renfoncements faits par les déneigeuses le long de la route). Parfois j'étais tout seul, d'autres fois une ou deux voitures me rejoignaient et ça permettait de papoter un peu.

Ensuite j'attendais. Quand une tempête de neige arrivait ou que rien ne se passait, je rentrais dans ma voiture pour me réchauffer. Un petit coup d'essuie glace de temps en temps pour pouvoir regarder le ciel. Dès que la neige s'arrêtait, je sortais pour jeter un coup d'oeil. Et là, très souvent, pour ne pas dire tout le temps, j'avais le droit à une ouverture dans les nuages et le show commençait. J'en profitais jusqu'à ce que le ciel se referme ou qu'une nouvelle tempête de neige arrive. Et puis je recommençais ce petit manège toute la nuit, jusqu'à ce que la fatigue l'emporte.

Donc je me répète encore une fois mais mon ultime conseil c'est : tentez le coup ! Si vous ne le faites pas, vous regretterez de ne pas avoir au moins essayé.

Si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous encourage à lire mes articles précédents pour voir comment des journées avec une météo pourrie se sont transformées en instants magiques : Where the magic happens et En route pour Sommaroy.

La photo d'aurores boréales

Maintenant que vous savez comment les observer, nous allons parler de comment les immortaliser.

Le matériel

Absolument indispensable : un trépied ! Ou au pire, un bean bag, enfin quelque chose pour stabiliser votre appareil car vous allez devoir shooter avec des temps de pose longs.

Ensuite, il vous faut un appareil sur lequel vous pouvez maitriser un maximum de réglages : vitesse (indispensable), sensibilité et ouverture. Plus vous avez un appareil qui monte haut dans les ISO (sensibilité) sans perte de qualité, plus vous aurez de chance de succès.
Un objectif très lumineux est fortement conseillé. Nous parlons là de photo de nuit et de phénomènes plutôt discrets, le but est donc de permettre à votre appareil d'enregistrer le plus de luminosité possible en un temps le plus court possible.

Dans l'idéal, il vous faudrait un déclencheur externe, du genre une petite télécommande infrarouge ou filaire. Cela permet d'éviter d'avoir un petit flou de bougé au moment où vous appuyez sur le bouton. Mais si vous n'en avez pas, ce n'est pas trop grave. Vu le temps de pose nécessaire et la luminosité ambiante, ça ne se verra presque pas. Je ne crois pas voir utilisé ma télécommande pour beaucoup de mes photos.

Pour la focale : grand angle ! Plus vous couvrez de surface du ciel avec votre objectif, plus vos photos seront impressionnantes. J'ai utilisé un 24-70mm Sigma sur un appareil full frame, donc c'était du 24mm réel. ça suffisait, mais j'aurais aimé avec un angle encore plus grand. Si vous êtes sur un capteur petit format (la plupart des réflexes grand public), vous avez certainement un 18-55mm ou quelque chose comme ça qui traine quelque part. ça vous donnera à peu près l'équivalent de ce que j'avais.

Ah oui, une dernière chose : prévoyez une batterie de rechange (très important car avec le froid ça se décharge vite) et une carte mémoire aussi, surtout si vous avez le déclencheur facile ;)

Les réglages

Rentrons un peu plus dans le vif du sujet avec les réglages à utiliser.

Le temps de pose

Comme je l'ai dit plus haut, le but est d'accumuler un maximum de lumière sur le capteur de votre appareil en un temps le plus court possible. Pourquoi un temps court ? Parce que si l'aurore bouge rapidement, vous risquez d'enregistrer trop de mouvements et elle ressemblera à une tâche verte pas très nette et pas très gracieuse.

Donc pour parler en des termes plus techniques : 10 à 15 secondes de temps de pose maximum.

L'ouverture

Concernant l'ouverture, il faut ouvrir au maximum. Pour toutes mes photos j'étais à f/2.8. Si vous avez un objectif assez standard comme on trouve en kit assez fréquemment sur les réflex bas et moyens de gamme, il ouvre probablement à f/4.5 - f/5.6, ne vous inquiétez pas, ce n'est pas perdu. Il vous faudra juste monter un peu plus en sensibilité ou allonger les temps de pose.

J'ai vu quelques articles disant que pour les objectifs ouvrant encore plus, comme f/1.8 ou f/1.4, il était conseillé de fermer un peu pour éviter d'avoir trop de défauts et une profondeur de champ trop courte. Je n'ai pas pu essayer vu que je n'avais pas emmené mon 50mm f/1.8. Donc de par mon expérience, j'aurais tendance à dire que dans le doute, mettez vous à f/2.8, ça marche très bien :)

La sensibilité

C'est souvent là que ça se complique avec les appareils bas et moyen de gamme (même avec les autres cela dit, mais dans une moindre mesure). Les photographes avec un peu d'expérience savent que plus on monte la sensibilité (ISO), plus la photo devient granuleuse et sale.

Le but est donc de trouver le bon compromis entre l'ouverture, le temps de pose et la sensibilité pour que celle-ci soit le plus bas possible afin d'avoir une photo propre. Bien évidemment, il y a une limite. Ne vous attendez pas à prendre une photo d'aurore à ISO100. La plus basse valeur à laquelle je suis descendu était ISO500 avec un temps de pose de 10 secondes. Elle était un peu sombre à la base mais en jouant un peu avec la luminosité à la retouche sur l'ordi, ça se rattrape plutôt bien.

On va dire qu'en moyenne j'étais à ISO1000. La plupart des appareils réflex tiennent encore à peu près la route à ces valeurs là. Si vous pouvez monter encore plus haut et que la qualité ne se dégrade pas, allez-y, ça vous permettra de réduire les temps de pose.

Aurore boréale avec ciel nuageux vers Tromso 
(ISO1000 f/2.8 10s 24mm)

La mise au point

Quelque chose de très important qui peut paraitre anodin mais qui n'est pas si évident dans ces conditions là est la mise au point. Elle n'est pas facile à faire car votre autofocus n'aura rien sur lequel s'accrocher. Inutile de mettre votre objectif sur le réglage infini car celui-ci n'est jamais juste et vos photos seront floues.

J'ai donc utilisé une technique que j'ai vu sur le net et qui marche plutôt bien. Mettez vous en mode live view (si vous n'en avez pas, faites la même chose dans le viseur, ce sera juste moins évident), visez une étoile, zoomez votre écran dessus (j'ai bien dis l'écran, pas le zoom de l'objo). Désactivez l'autofocus pour pouvoir régler la netteté en manuel. Tournez la bague de réglage jusqu'à ce que l'étoile apparaisse la plus nette possible. Généralement c'est lorsqu'elle apparait la plus petite.

C'est bon ! Votre focus est fait ! Maintenant, n'y touchez plus !

La balance des blancs

On l'oublie souvent celle-ci ! Pourtant elle a une influence énorme sur les couleurs de vos photos. Surtout dans des conditions assez extrêmes comme ça où votre appareil aura du mal à choisir automatiquement le bon réglage.

La meilleure solution reste de prendre vos photos au format RAW plutôt que JPG, comme ça vous pourrez changer votre balance des blancs à volonté sans perte de qualité au moment de la retouche sur votre ordinateur.

Mais pour que vos photos vous paraissent déjà belles avant la retouche, essayez de choisir manuellement le bon réglage. J'avais déjà remarqué par le passé que pour de la photo de nuit classique, le réglage "incandescent" fonctionnait plutôt pas mal. Je me suis donc calé là dessus et j'étais plutôt satisfait du résultat.
Je suis chez Nikon, mais je suppose que chez les autres constructeurs ce réglage doit avoir à peu près le même nom. Au cas où, c'est celui qui est représenté par une ampoule.

Dans la pratique

Pour résumer et pour faire simple, dès que j'arrivais, je posais le trépied et je me calais à une sensibilité d'ISO1000, avec un temps de pose de 10 secondes et une ouverture au maximum : f/2.8. Ces réglages étaient gagnants presque à tous les coups.

Ensuite, selon ce que je cherchais à faire, l'intensité de l'aurore, ses mouvements, la luminosité du ciel ou de la Lune, j'ajustais tel ou tel réglage. Si j'avais besoin d'un peu plus de vitesse, je montais un chouia les ISO et je réduisais le temps de pose. La seule chose que je n'ai jamais changé est mon ouverture. Pour la photo ci-dessous par exemple, la luminosité ambiante était plus élevée que d'habitude à cause de l'éclat de la Lune. J'ai donc pu baisser un peu l'intensité pour avoir moins de grain.

 Aurore boréale avec la lune à Tromso
(ISO800 f/2.8 10s 24mm)

Parlons timelapse

Vous avez peut-être vu dans mon article précédent que je m'étais lancé dans la réalisation d'un timelapse au cours de mon voyage.

Un timelapse est une succession de photos prises en continue au même endroit afin de les assembler en une sorte de vidéo accélérée. La technique de prise est donc sensiblement la même que ce que j'ai décris précédemment vu que le but est toujours de prendre des photos. Seule la finalité change quelque peu.

Mais il y a tout de même quelques contraintes supplémentaires, notamment le temps qui passe ! Normalement, quand on fait un timelapse, une seconde de vidéo est composée de l'enchainement d'environ 25 photos. Donc à 10 secondes de temps de pose la photo, ça commence à être long, voire très long. Surtout quand c'est pour prendre un phénomène très furtif et que les nuages se mêlent de la partie. A la louche : 6 photos par minute donc 4 minutes de prise de vue pour une seconde de vidéo.

Le but est donc de raccourcir le temps de pose. Vu qu'on est déjà sur des valeurs limites, il n'y a pas 50 solutions : il faut monter la sensibilité. On prend moins le temps de regarder les détails dans une vidéo par rapport à une photo, alors tant pis s'il y a du grain.
J'ai donc monté ma sensibilité à des valeurs allant jusqu'à 3200 ISO et réduit le temps de pose jusqu'à 3 secondes par moment.

Tâtonnez avant de lancer votre séquence. Prenez quelques photos de test, voyez quand vous avez des réglages corrects en terme de luminosité, sans trop vous soucier du grain, puis démarrez !

Le mot de la fin

Pour conclure, gardez à l'esprit que je vous ai donné des conseils pour que vous ayez quelques valeurs de référence au moment où vous vous lancerez. Mais ensuite c'est à vous de les adapter selon la luminosité, les contraintes, ce que vous voulez faire.
Ce sont des suggestions, pas des règles (bon ... à part pour le trépied ;) ).

Surtout, n'oubliez pas de décrocher de votre appareil photo de temps en temps pour pouvoir en profiter avec vos propres yeux. Même si les couleurs ne sont pas aussi intenses que sur vos futures images, ça vaut le coup et ça restera gravé au fond de votre tête pour toujours.
Je n'ai pas pu faire de photo ou de vidéo de l'instant où je me suis retrouvé avec un cercle parfait qui brûlait le ciel juste au dessus de me moi, pourtant c'était certainement le moment le plus magique et intense de mon voyage. Mais ce n'est pas grave, la vidéo elle est bien gravée au fond de ma tête et je me la rejoue de temps en temps ;)

Faites des photos pour pouvoir partager ces instants magiques, mais prenez le temps de profiter avec vos yeux. Les séquences de timelapse sont un bon compromis. Pendant que l'appareil prend en continue, vous, vous observez.

Voilà ! J'espère que ça vous servira pour vos futures observations et je ne peux que vous encourager à tenter cette expérience qui est vraiment quelque chose de très intense à vivre.

N'hésitez pas à me laisser vos questions ou vos remarques dans les commentaires pour que je puisse y répondre.

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