Bilan de ma Kungsleden

Maintenant que j'ai plus de recul, que je suis bien au chaud chez moi et avec du temps à foison, il est l'heure de faire un bilan de cette aventure.
Le 22/04/2020

Ma Kungsleden à moi

On va commencer par parler de ce que j'ai parcouru au final.

Voici donc la carte de mon trajet. En rouge la trace théorique de la Kungsleden, en bleu ma trace réelle. Pour ceux qui le souhaitent, vous pouvez retrouver une version plus interactive de cette carte dans la partie live du site.

Évidemment, il m'en restait beaucoup à faire, mais si on regarde bien, en huit jours, ça fait déjà une bonne distance de parcourue. J'étais bien dans le timing !

Quelques chiffres

Au total, d'après les informations de mon GPS qui ont l'air plutôt cohérentes, j'ai parcouru 117km, répartis de la manière suivante :

- Abisko / Abiskojaure : 15.57km
- Abiskojaure / Alesjaure : 22.08km
- Alesjaure / Tjäktja : 13.57km
- Tjäktja / Sälka : 13.92km
- Sälka / Singi : 14.73km
- Singi / Kaitumjaure : 14.05km
- Kaitumjaure / Teusajaure : 10.05km
- Teusajaure / Vakkotavare : 13.5km

Sans surprise vu la difficulté qu'elle représentait, ma journée la plus lente aura été la dernière, avec une moyenne de 1.74km/h (pauses et tout ça inclus). La plus rapide aura été celle entre Singi et Kaitumjaure, 2.61km/h (wahow ! 😄). J'ai été assez rapide sur la deuxième journée alors que c'était la plus longue et une de celles avec le plus gros dénivelé. Ça se voit que j'étais encore frais à ce moment là. Ces informations sont tout de même à prendre avec des pincettes, parce qu'il suffisait d'oublier de couper le suivi du GPS tout de suite en arrivant le soir et ça faussait les données.

Mon "record" de vitesse était le deuxième jour avec une pointe à 14.5km/h. J'ai un vague souvenir qu'il y avait une longue pente douce à un endroit. Ça devait être là. J'ai sûrement fait des pointes beaucoup plus rapides, notamment après Tjäktjapasset, mais comme je me prenais une gamelle juste après, ça devait tomber entre les deux points GPS et compenser 😄

Bon, tout ça ne veut pas dire grand chose bien sûr, ce sont les petites stats pour s'amuser.

Ce qui est important c'est que j'ai quand même réussi à faire cette première partie et que pour un gugus comme moi c'est déjà pas mal 🙂

Quelques pensées

C'était bien cette Kungsleden. J'ai vu de très jolis paysages, c'était cool. Mais je reste tout de même un peu sur ma faim au niveau de l'expérience nordique. Je n'ai pas pris autant de grosses claques que ce que j'avais pu prendre à Tromsø ou Äkäslompolo. Est-ce parce qu'il n'y avait plus le côté nouveauté, ou parce que c'était peut être un peu trop désertique et brut pour moi ?

Je n'ai pas retrouvé cette variété de paysages et cette richesse de la faune que j'avais trouvé en Norvège continentale. Au fond de ces vallées désertiques, je n'ai pas retrouvé non plus ces jeux de lumières et ces couchers de soleils interminables qui m'avaient scotchés en Finlande.

Je fais le difficile là hein ! Ça restait très chouette quand même et c'était à voir. Mais je pense qu'à l'avenir je me tournerai vers des environnements moins désertiques, ça me convient plus, surtout si je pars sur un séjour plus orienté photo 🙂

Pour la prochaine fois

Même si ça a été beaucoup plus court que prévu, ce séjour m'aura déjà apporté beaucoup d'expérience pour améliorer mes prochaines aventures. J'ai noté plusieurs axes à explorer.

Ne pas s'éparpiller

À force de répéter que je ne m'étais pas réellement fixé d'objectif pour ne pas me mettre la pression, je suis tombé dans l'excès inverse, à savoir que je suis parti dans toutes les directions. J'ai voulu aller le plus loin possible sur la Kungsleden, faire de la photo, de la vidéo, écrire, prendre le temps d'en profiter, tout ça en même temps. Je me suis trop éparpillé et au final je n'ai rien fait à fond. J'étais trop chargé en matériel photo et vidéo, ce qui m'a ralenti. Donc paradoxalement, j'avais moins de temps pour me servir de tout ça. Cela m'a mis en difficulté pour avancer, notamment sur la dernière étape. Donc au final, je n'ai pas pu prendre autant d'images que je le voulais et en plus la difficulté que ça m'a rajouté a fait que mes étapes étaient dures à terminer. J'en ai vraiment bavé à certains moments quand il y avait du dénivelé.

Certes j'avais dit que mon objectif premier n'était pas de terminer la Kungsleden et d'aller à mon rythme. Mais quand on suit un chemin linéaire comme ça, c'est naturel d'avoir envie d'avancer. Puis quand en plus c'est divisé en plusieurs étapes, on a tendance à vouloir les suivre. Puis dans le fond, je m'y serai quand même bien vu à la porte de sortie à Hemavan, il ne faut pas se leurrer ! 🙂

Pour ma prochaine aventure de ce genre, il faut donc que je me définisse des objectifs plus précis. Soit j'y vais pour le côté aventure et je m'allège sur le matériel photo et vidéo, soit j'y vais pour ramener des images et je me trouve un circuit adapté pour ça.

Faire une boucle

En théorie, je devais commencer à un endroit et terminer à un autre. Impossible pour moi dans ces conditions de laisser les sacs de voyage à l'hôtel ou je ne sais où pour les reprendre au retour. J'ai dû tout transporter avec moi dans la pulka. Le gros sac à roulettes que j'avais en soute, le sac de la pulka, celui des skis, éventuellement mon sac à dos que j'avais en bagage cabine. Rien qu'avec ça, je pense que j'étais déjà à cinq ou six kilos.

En choisissant un circuit en boucle, j'aurais donc pu économiser ce poids là qui est loin d'être négligeable. Aller, peut être pas celui du sac à dos parce que c'est toujours utile d'en avoir un au cas où.

Au delà du poids, il y a aussi la question de l'encombrement. Tout cela me prenait une place folle dans la pulka, mon chargement était donc plus en hauteur que ce qu'il aurait dû être. Cela m'a valu plusieurs versements, notamment en descente ou en dévers.

Je passe sur toutes les remarques que j'ai reçues par un peu tout le monde sur le fait que ma pulka était énorme, parce qu'ils avaient raison 🙂

Laisser le superflu à la maison

Comme j'ai entendu Erica le dire à son groupe, la pulka, c'est ton meilleur ami et ton pire ennemi en même temps. Meilleur ami car elle permet de trainer beaucoup plus de poids qu'avec un sac à dos. Pire ennemi car dans les pentes ça peut vite devenir un enfer.

Vous l'aurez compris, la surcharge de la mienne a été le gros point noir qu'il va absolument falloir que je règle pour la prochaine fois.

Alors oui je m'étais entraîné avec un poids équivalent, mais à l'entrainement on n'enchaine pas plusieurs jours d'affilée comme ça, la neige n'est pas la même, on n'a pas forcément le même dénivelé ou un vent glacial de face. Il faut donc alléger au maximum.

J'ai noté que je pourrai optimiser les choses suivantes.

Pour commencer les batteries. Je l'ai dit plus haut, je suis parti avec plein de matériel de prise de vue, donc il faut des batteries pour alimenter tout ce petit monde. Comme je savais que je n'allais pas pouvoir recharger fréquemment, j'avais emmené tout un tas de batteries supplémentaires, de power bank et un petit panneau solaire. Mais comme au final je n'ai pas pris tant de photos ou de vidéos que ça, mes batteries ne se sont pas vidées aussi vite que ce que je craignais. Le panneau solaire n'a pas servi une seule fois. J'ai vidé une power bank en entier et ai commencé à taper un peu dans l'autre. Avec, j'ai rechargé mon gps (par sécurité car il lui restait encore de quoi faire), ma lampe frontale, deux batteries d'appareil photo, une charge de batterie de drone et mon smartphone qui m'a permi de prendre des vidéos. Je n'ai même pas utilisé ma deuxième batterie de drone en fait.
Donc pour la prochaine fois, soit le panneau solaire, soit une des power bank resteront à la maison. L'avantage de la power bank c'est que l'énergie est là et prête à être utilisée. L'avantage du panneau solaire, c'est que quand tout est à plat, on peut encore espérer pouvoir recharger quelque chose. Mais pas besoin de tout avoir. Pour le réflex, je ne sais plus si j'étais parti avec trois ou quatre batteries, mais deux suffisent si on peut les recharger une fois au moins sur une power bank.

J'ai parlé du drone. Là aussi il y a une optimisation à faire si je veux à nouveau l'embarquer. J'ai réussi à le piloter avec le smartphone uniquement. Donc la prochaine fois, sa télécommande encombrante et qui pèse un peu pourra rester à la maison. C'est toujours ça de pris.

J'avais pris tout un tas de petits accessoires, des câbles de chargement, une rallonge pour mon trépied, des pinces de fixation, des trucs "au cas où". Je pense que je peux réduire au moins de moitié tout ça.

Là où il y a une grosse optimisation à faire, c'est sur le réchaud. Par sécurité comme le gaz ne fonctionne pas à toutes les températures, j'étais parti sur un réchaud essence, qui lui fonctionne même par très grand froid. Le problème du réchaud essence, c'est qu'il fait emmener tout un tas de choses qui finissent par faire leur petit poids. Le réchaud en lui même + sa bouteille (~800g), une couverture anti feu pour la sécurité (~500g), le jerrican pour recharger (~500g vide), l'essence (j'avais pris 3L). On est presque à 5kg, juste pour ça. En comparaison, le bruleur de mon jetboil que j'utilise l'été pèse 200g. Donc même avec 2 ou 3 recharges de gaz à 400g chacune, on reste loin du compte. A condition par contre de pouvoir racheter des cartouches en chemin.
Les cartouches de gaz spécial hiver permettent d'être utilisées jusqu'à -22°. Au pire j'ai campé par -12. J'avais donc encore de la marge. Sachant que sous la tente on arrive à gagner quelques degrés.
Donc pour la prochaine fois, la question de tourner à l'essence ou non se posera selon les conditions.

Pour les vêtements aussi, je pense qu'il y a moyen d'optimiser un peu. J'avais pris certaines choses en double, alors qu'en fait il n'y a pas besoin. Sur un long trip comme ce que j'avais prévu au début, ça se défend. Mais si c'est pour partir pour 8 ou 10 jours, clairement, il y a moyen d'alléger aussi là dessus.

L'alimentation

Sur la nourriture, je suis un peu embêté. Je n'étais pas réellement satisfait de mon alimentation là bas, mais je ne suis pas sûr de pouvoir faire beaucoup mieux. J'ai perdu du poids lors de cette aventure, alors qu'en théorie j'avais pris de quoi m'alimenter correctement. Il est vrai que certains jours, je n'ai pas mangé toute la dose que j'avais prévue. Quand on est en plein vent glacial, au milieu d'un effort, c'est difficile de s'arrêter pour manger un bout. Alors il y a quelques en-cas qui n'ont pas été pris. Est-ce que ça aurait changé la donne si je les avais mangés ? Je ne sais pas.

Mais sincèrement, même si les nouilles chinoises m'écoeurent rien qu'à l'idée d'y penser et que je n'en peux plus non plus des repas lyophilisés, il faut bien admettre que dans ce genre de conditions, c'est ce qu'il y a de plus pratique. Qu'est-ce que j'aurais bien pu prendre à la place, qui ne soit pas trop encombrant, qui ne craigne pas trop le gel et qui soit simple à préparer ? Franchement je ne sais pas. Mais bon, d'ici la prochaine fois, j'aurais eu le temps de réfléchir à la question 🙂

Et dans les choses à garder ?

Si on s'arrête à la section précédente, on a l'impression que tout été foireux, mais pas du tout en fait.

Il y a plein de bonnes choses qui ont bien fonctionné. Je suis super content de mon matériel notamment. Mes skis, la pulka, mes vêtements, tout a super bien fait le boulot et je suis content d'avoir investi dans de la bonne qualité pour ne pas être embêté sur le terrain.

Je suis très content aussi des possibilités que m'offre mon système de communication par satellite (Garmin InReach). Ça m'a permis de rester en contact avec mes amis, d'avoir du soutien dans les moments difficiles et à l'inverse d'avoir un semblant de partage dans les instants agréables.

Je tiens d'ailleurs à remercier mon ami Manu qui m'envoyait tous les matins un petit bulletin météo pour la journée à venir. Puis Marion qui elle s'occupait de surveiller les prévisions d'aurores et quelques bricoles logistiques pour moi.

Mes pages "live" ont bien fonctionné, ce qui n'était pas gagné vu comme je les ai développées à la va-vite à la fin. En rentrant j'étais tout content de voir ma trace s'afficher correctement sur la carte, avec tous les endroits d'où j'ai envoyé des messages. J'ai encore plusieurs idées derrière la tête pour ce truc. Je vais voir si je peux en mettre certaines en place assez rapidement.

Puis l'avantage c'est que tout ce matériel va aussi pouvoir me servir pour mes randonnées bivouac estivales. Bon ok ... peut être pas la pulka 😄 Par exemple, fini de prendre un lourd pantalon d'hiver pour les nuits fraiches en haut de la montagne. Mon pantalon en duvet qui fait à peine 150g glissé sous le pantalon léger de rando fera encore mieux l'affaire. Environ 300g de gagnés. 200 à peu près sur le coupe vent aussi. Ça parait peu présenté comme ça, mais toutes ces petites optimisations mises bout à bout, ça fait gagner pas mal de poids au final. Le InReach, je pourrai le prendre quand je partirai pour plusieurs jours dans des coins un peu reculés, ce sera plus sécurisant (BIM ! 300g de perdus sur ceux que je venais de gagner 😄).

Pour en revenir au matériel, je suis assez content de ma tente aussi, elle a vraiment bien tenu le coup face au vent. Elle n'est pas parfaite, il y a moyen de trouver encore plus costaud et avec des absides plus pratiques (les espaces sur les côtés), mais elle est hyper facile à mettre en place, même avec des gants et dans le vent. Au Svalbard par exemple, on avait des Helsport (modèle Svalbard justement), c'était complètement l'inverse. Je ne suis pas sûr que je m'en serai sorti aussi facilement tout seul avec celle là. Ce qui me prenait le plus de temps avec la mienne, c'était la préparation du terrain : tasser le sol, faire un mur de neige. Ensuite pour la monter ça allait très vite.

Le mot de la fin

Si on fait abstraction de la fin contre laquelle je ne pouvais pas faire grand chose, j'ai tout de même vécu une très belle aventure. Si j'étais parti de base pour un trip de dix jours et pas plus, ça aurait même été une sacrée réussite. La déception réside dans ce que je n'ai pas pu faire, mais pas dans ce que j'ai fait.

J'ai dépassé mes limites, je suis allé à des années lumières de ma zone de confort et c'était surtout ça le but. Avant de partir, j'avais peur de ne pas réussir, de rester coincé dans les refuges et de ne pas oser sortir la tente. Pourtant, je l'ai fait. Je me suis même surpris la première fois à avoir très envie de le faire, en arrivant à Alesjaure, alors que j'étais sous un gros vent glacial bien fort. J'ai aussi réussi à enchainer plusieurs nuits en tente (bon, juste deux, mais c'est toujours ça). Alors voilà, maintenant je sais que j'en suis capable et je recommencerai en étant plus serein.

Chaque année j'ai essayé de repousser la limite un peu plus loin avec mes voyages nordiques. Cette fois-ci je suis allé assez loin, ça va commencer à être difficile de faire mieux 🙂 Peut-être que la prochaine étape sera de ne plus compter sur la présence de refuges et d'enchaîner les nuits en bivouac plus sereinement.

Partir en solo c'est bien, mais j'ai aussi beaucoup apprécié les moments passés avec les autres dans les refuges. Il y avait une ambiance très particulière. Il faudrait avoir beaucoup de temps et de moyens pour pouvoir faire les deux 😄

Merci en tous cas à tous ceux qui ont suivi de près ou de loin mon aventure. Un grand merci à ceux qui m'ont aidé, conseillé, je pense tout particulièrement à Erica qui a été là avant et pendant, mais aussi à Robin pour tout ce qu'il m'a appris l'an dernier au Svalbard et ses encouragements pour me lancer là dedans. Merci aussi aux autres gens de l'agence 66°Nord que j'ai croisé et qui m'ont tous encouragé dans mon projet même si cette fois-ci je ne partais pas avec eux.

Je n'oublie pas non plus toutes les personnes qui m'ont donné des petits coups de main sur place. Johan le guide suédois pour ses conseils et les quelques photos qu'il a pris de moi, le "groupe du bus" pour avoir partagé leur repas et leur chambre avec moi à Sälka, Patrick pour la consultation gratuite de psy à Abiskojaure le premier soir 😄 Merci au groupe du Vercors pour la bouteille de gaz, au groupe d'Erica avec qui j'ai passé pas mal de temps, aux deux gars que j'ai retrouvé à Kiruna et avec qui j'ai passé la fin du séjour, tout ce petit monde qui se souciait de savoir où j'en étais quand ils ne me voyaient pas arriver 🙂

Et là c'est fini pour de bon non ?

Non pas tout à fait 🙂

Même si j'ai beaucoup de temps pour moi en ce moment, je traine sur le traitement des photos, mais ça devrait arriver.

Pour le film, ça arrivera beaucoup plus tard parce que c'est plus compliqué à faire.

Donc c'est fini pour le gros blabla oui, mais tout n'est pas complètement terminé sur ce blog.

Vos commentaires :

Par emnatsu le 20 février 2021 à 01:31
Merci pour ce récit, ce journal de bord. Super aventure, c'est la réalité des voyages d'aventure, ce n'est jamais tout rose et c'est ça finalement que l'on recherche, je pense, au fond : se sentir en vie ! Tu as pris les bonnes décisions et seulement toi de toute façon pouvait les prendre. Il n'y a qu'en étant sur le terrain qu'on peut évaluer, en plus de son état de fatigue physique et mentale. Je comprends cependant cette déception et ce sentiment affreux de devoir renoncer, à contre coeur, être autant partagé. Encore merci, ça faisait longtemps que cela n'est m'était pas arrivé, d'être absorbée par un récit, luttant contre les paupières lourdes! Je regarde tes autres aventures demain :) Très bonne continuation Emna

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